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 Lettre de Philippe Torreton à Jean Ferrat
 
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LETTRE DE PHILIPPE TORRETON A JEAN FERRAT
> > >
> > > Jean,
> > >
> > > J'aimerais te laisser tranquille, au repos dans cette terre choisie.
> > > J'aurais aimé que ta voix chaude ne serve maintenant qu'à faire éclore
> > > les jeunes pousses plus tôt au printemps, la preuve, j'étais à
> > > Antraigues il n'y a pas si longtemps et je n'ai pas souhaité faire le
> > > pèlerinage. Le repos c'est sacré !
> > >
> > > Pardon te t'emmerder, mais l'heure est grave, Jean. Je ne sais pas si
> > > là où tu es tu ne reçois que le Figaro comme dans les hôtels qui ne
> > > connaissent pas le débat d'idées , je ne sais pas si tu vois tout, de
> > > là haut, ou si tu n'as que les titres d'une presse vendue aux
> > > argentiers proche du pouvoir pour te tenir au parfum, mais l'heure est
> > > grave!
> > >
> > > Jean, écoute-moi, écoute-nous, écoute cette France que tu as si bien
> > > chantée, écoute-la craquer, écoute la gémir, cette France qui travaille
> > > dur et rentre crevée le soir, celle qui paye et répare sans cesse les
> > > erreurs des puissants par son sang et ses petites économies, celle qui
> > > meurt au travail, qui s'abîme les poumons, celle qui se blesse, qui
> > > subit les méthodes de management, celle qui s'immole devant ses
> > > collègues de bureau, celle qui se shoote aux psychotropes, celle à qui
> > > on demande sans cesse de faire des efforts alors que ses nerfs sont
> > > déjà élimés comme une maigre ficelle, celle qui se fait virer à coups
> > > de charters, celle que l'on traque comme d'autres en d'autres temps que
> > > tu as chantés, celle qu'on fait circuler à coups de circulaires, celle
> > > de ces étudiants affamés ou prostitués, celle de ceux-là qui savent
> > > déjà que le meilleur n'est pas pour eux, celle à qui on demande
> > > plusieurs fois par jour ses papiers, celle de ces vieux pauvres alors
> > > que leurs corps témoignent encore du labeur, celles de ces réfugiés
> > > dans leurs propre pays qui vivent dehors et à qui l'on demande par
> > > grand froid de ne pas sortir de chez eux, de cette France qui a mal aux
> > > dents, qui se réinvente le scorbut et la rougeole, cette France de
> > > bigleux trop pauvres pour changer de lunettes, cette France qui pleure
> > > quand le ticket de métro augmente, celle qui par manque de superflu
> > > arrête l'essentiel...
> > >
> > > Jean, rechante quelque chose je t'en prie, toi, qui en voulais à
> > > D'Ormesson de déclarer, déjà dans le Figaro, qu'un air de liberté
> > > flottait sur Saigon, entends-tu dans cette campagne mugir ce sinistre
> > > Guéant qui ose déclarer que toutes les civilisations ne se valent pas?
> > > Qui pourrait le chanter maintenant ? Pas le rock français qui s'est
> > > vendu à la Première dame de France.Ecris nous quelque chose à la gloire
> > > de Serge Letchimy qui a osé dire devant le peuple français à quelle
> > > famille de pensée appartenait Guéant et tout ceux qui le soutiennent !
> > >
> > > Jean, l'huma ne se vend plus aux bouches des métro, c'est Bolloré qui a
> > > remporté le marché avec ses gratuits. Maintenant, pour avoir l'info
> > > juste, on fait comme les poilus de 14/18 qui ne croyaient plus la
> > > propagande, il faut remonter aux sources soi-même, il nous faut
> > > fouiller dans les blogs... Tu l'aurais chanté même chez Drucker cette
> > > presse insipide, ces journalistes fantoches qui se font mandater par
> > > l'Elysée pour avoir l'honneur de poser des questions préparées au
> > > Président, tu leurs aurais trouvé des rimes sévères et grivoises avec
> > > vendu...
> > > Jean, l'argent est sale, toujours, tu le sais, il est taché entre autre
> > > du sang de ces ingénieurs français. Lajustice avance péniblement grâce
> > > au courage de quelques uns, et l'on ose donner des leçons de
> > > civilisation au monde...
> > >
> > > Jean, l'Allemagne n'est plus qu'à un euro de l'heure du STO, et le
> > > chômeur est visé, insulté, soupçonné. La Hongrie retourne en arrière
> > > ses voiles noires gonflées par l'haleine fétide des renvois populistes
> > > de cette droite "décomplexée".
> > >
> > > Jean, les montagnes saignent, son or blanc dégouline en torrents de
> > > boue, l'homme meurt de sa fiente carbonée et irradiée, le poulet n'est
> > > plus aux hormones mais aux antibiotiques et nourri au maïs
> > > transgénique. Et les écologistes n’en finissent tellement pas de ne pas
> > > savoir faire de la politique. Le paysan est mort et ce n’est pas les
> > > numéros de cirque du Salon de l’Agriculture qui vont nous prouver le
> > > contraire.
> > >
> > > Les cowboys aussi faisaient tourner les derniers indiens dans les
> > > cirques. Le paysan est un employé de maison chargé de refaire les
> > > jardins de l'industrie agroalimentaire. On lui dit de couper il coupe,
> > > on lui dit de tuer son cheptel il le tue, on lui dit de s'endetter il
> > > s'endette, on lui dit de pulvériser il pulvérise, on lui dit de voter à
> > > droite il vote à droite... Finies les jacqueries!
> > >
> > > Jean, la Commune n'en finit pas de se faire massacrer chaque jour qui
> > > passe. Quand chanterons-nous "le Temps des Cerises" ? Elle voulait le
> > > peuple instruit, ici et maintenant on le veut soumis, corvéable,
> > > vilipendé quand il perd son emploi, bafoué quand il veut prendre sa
> > > retraite, carencé quand il tombe malade... Ici on massacre l'Ecole
> > > laïque, on lui préfère le curé, on cherche l'excellence comme on
> > > chercherait des pépites de hasards, on traque la délinquance dès la
> > > petite enfance mais on se moque du savoir et de la culture partagés...
> > >
> > > Jean, je te quitte, pardon de t'avoir dérangé, mais mon pays se perd et
> > > comme toi j'aime cette France, je l'aime ruisselante de rage et de
> > > fatigue, j'aime sa voix rauque de trop de luttes, je l'aime
> > > intransigeante, exigeante, je l'aime quand elle prend la rue ou les
> > > armes, quand elle se rend compte de son exploitation, quand elle sent
> > > la vérité comme on sent la sueur, quand elle passe les Pyrénées pour
> > > soutenir son frère ibérique, quand elle donne d'elle même pour le plus
> > > pauvre qu'elle, quand elle s'appelle en 54 par temps d'hiver, ou en 40
> > > à l'approche de l'été. Je l'aime quand elle devient universelle, quand
> > > elle bouge avant tout le monde sans savoir si les autres suivront,
> > > quand elle ne se compare qu'à elle même et puise sa morale et ses
> > > valeurs dans le sacrifice de ses morts...
> > >
> > > Jean, je voudrais tellement t'annoncer de bonnes nouvelles au mois de
> > > mai...
> > >
> > > Je t'embrasse.
> > >
> > > Philippe Torreton





Tag(s) : #POESIE QUAND TU NOUS TIENS
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