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L'athée et le pasteur (extrait n°1)
On me téléphone un soir : » Accepteriez-vous de débattre avec un athée, sur notre radio » ? Je réponds oui sachant que toute ma soirée est déjà occupée par une réunion. Comment vais-je prendre la parole demain matin, en direct, ignorant quel est mon adversaire ?……Bon exercice, non ?
Jean Hoibian
« Soyez toujours prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous »
I Pierre 3.15
Extrait n°1 : entretien impromptu entre Eric Chams, se déclarant athée et Jean Hoibian, pasteur, réalisé le 29 août 1989 sur Radio-Paris.
Eric Chams : Les causes, l'origine de mon athéisme ? Difficile de répondre à cela. Je ne me souviens pas d'un temps où j'ai cru en Dieu. A la limite j'aurai tendance à dire que j'ai cru au Père Noël certainement plus longtemps qu'en Dieu parce qu'au moins j'avais chaque année, tous les 25 décembre, une preuve de son existence par les petits cadeaux. Dieu jamais. Cela ne m'a pas conduit à un athéisme virulent. Je tiens à préciser que je ne me considère pas comme un militant de l'athéisme, je ne me considère comme un militant de rien du tout, je suis un athée qui s'efforce d'être conséquent et de pousser jusque dans ses extrémités, sur le plan philosophique bien entendu, l'athéisme
D'où cela vient-il ? C'est la question de Montesquieu :« Comment peut-on être persan ? », comment peut-on être athée, comment peut-on être croyant ? Je n'ai pas été élevé ni dans l'athéisme ni dans la religion, mais dans une indifférence totale à l'égard de ces choses. Quand l'âge est venu où j'ai pu me poser ce genre de question parce qu'à l'école j'apprenais dans mon livre d'histoire que Jeanne d'Arc, lorsqu'elle a été brûlée - et pourtant j'étais dans une école la¨que - un oiseau blanc s'est envolé hors du bûcher. Cela me posait effectivement un problème.
Disons que c'est plutôt dès mon plus jeune âge un refus de tout ce qui est conte de fées. Les contes de fées, je les supportait à peu près tant qu'ils restaient dans le domaine du rationnel. A partir du moment où intervenait un coup de baguette magique susceptible de transformer un carrosse en citrouille, ça me gênait.
Or la religion pour moi est une extrêmement gênante par cela qu'elle apporte un merveilleux et que le merveilleux, il s'agit de le trouver dans le monde.
« Le paradis sur terre ! » C'est bien sur terre qu'il est à créer !
Jean Hoibian : Je voudrais dire au départ que je ne suis pas chargé de défendre ni une religion ni la foi chrétienne; que j'entends ce que vient de dire mon interlocuteur avec sympathie et presqu'un accord complet à savoir, en effet, que Dieu est absent du monde et que par conséquent il y a un saut dans le vide qui est celui de la foi et qu'on ne peut pas plus prouver l'inexistence de Dieu qu'on ne peut prouver son existence.
Ensuite vous dites que vous êtes athée parce que vous avez été élevé dans un milieu athée ; j'ai eu des parents qui étaient très croyants, qui m'ont amené au temple tous les dimanches depuis l'âge de 4 ans ! Et par conséquent, certainement le fait que je me prétende croyant aujourd'hui tient à mon origine.
J'ai été élevé dans une ferveur protestante, et vous savez certainement la différence entre la foi protestante et la foi catholique : la part de contes de fées, la part de rites, la part d'obéissance, etc... est très réduite dans le protestantisme. Le protestantisme fait que chaque enfant dans une famille protestante est élevé dans le sentiment qu'il est responsable devant Dieu et par conséquent c'est avant tout une affaire personnelle
Ensuite, en ce qui concerne les contes de fées, ma foi oui j'ai beaucoup réfléchi avant de venir à cette émission ; c'est vrai que je suis d'accord avec vous pour regretter tout ce côté factice, tout ce côté du merveilleux, de ciel, de l'évasion qui a fait dire la formule célèbre : « La religion c'est l'opium du peuple ».
Tout cela, je suis bien d'accord avec vous, tout cela c'est déplorable, mais pour moi ce n'est pas la foi chrétienne ! Et j'aimerais que peut-être on s'explique là-dessus : Si je suis chrétien ou si j'essaie de l'être c'est à cause de l'homme - ma véritable foi, mon point de départ, c'est la foi en l'homme.
E.C. : Je suis très surpris que vous me parliez de foi en l'homme ; vous ne me parlez plus du tout de Dieu je reconnais bien là l'esprit protestant.
Jean Hoibian : Il n'y a que Froissard qui a eu l'audace de dire :« Dieu existe, je l'ai rencontré ». Tant mieux pour lui ; moi, je n'ai pas rencontré Dieu. Je ne voudrais pas avoir l'audace d'en parler comme si j'étais branché au téléphone avec lui tous les jours et si je pouvais le décrire,
E.C. : Vous faites alors comme si Dieu n'existait pas ?
Jean Hoibian : Mon véritable Dieu, c'est Jésus-Christ, c'est-à-dire l'homme. J'ai parlé pendant 16 ans en prison de Jésus l'homme. Je n'ai jamais rencontré une seule personne détenue - et pourtant beaucoup avaient de la haine pour Dieu et pour les Églises - mais je n'ai jamais entendu un seul mot d'insulte contre la personne de l'homme Jésus, mort pour ses idées. C'est de là qu'il faut partir...
E.C. : Je n'ai pas de reproches à faire à Jésus sinon qu'il est mort un peu facilement, qu'il a cherché à mourir - mais là vous m'entraînez loin - qu'en fin de compte il est mort pour du beurre, mais il fallait pour lui qu'il meure afin de coaguler la foi de ses sectateurs avec son sang séché.
Jean Hoibian : La stupidité de cet argument ! C'est un argument moyenâgeux, cette histoire de rachat du sang en Christ. Je n 'y crois absolument pas
E.C. : Vous niez donc la notion de rachat, vous personnellement ? Il n'a pas été envoyé sur terre afin de racheter les péchés des hommes ?
Jean Hoibian : Il est mort pour ses idées, comme d'autres, comme Gandhi, comme... Il y a toujours eu des hommes qui ont été capables d'aller jusqu'au bout. Dans la résistance...
Je suis persuadé qu'une grande partie des croyants catholiques et protestants aujourd'hui n'entre plus dans ce schéma d'un Dieu qui aurait exigé un sacrifice de son propre fils et ce sang aurait racheté les péchés du monde. C'est quelque chose qui est dépassé complètement.
La difficulté, pour les gens de notre époque d'aujourd'hui, c'est de croire en Jésus, Fils de Dieu. Cela, c'est très difficile. Mais on peut discuter sur les approches possibles et l'approche possible, à mon avis, elle passe par l'homme. C'est pourquoi je vous disais: le principal c'est de croire en l'homme
Il y a un triangle : Dieu, les hommes et Jésus-Christ
E.C. : Moi je n'accepte qu'une ligne droite : l'homme va vers l'homme sans passer par le sommet du triangle qui s'appelle Dieu.
Jean Hoibian : Je suis de ces chrétiens qui croient à la terre avant de croire au ciel - là je vous rejoins tout à fait. Je pense que nous sommes à notre époque devant une grande inquiétude. Où va l'homme ? L'homme est incapable d'inventer une véritable démocratie, de créer des structures égalitaires sur le plan social et qui, en même temps ne le privent pas de liberté. C'est le problème crucial de notre époque. C'est pourquoi je dis que je continue de croire en l'homme.
E.C. : Et Dieu, propose-t-il une démocratie ? Lui qui ne s'est jamais fait élire...
Jean Hoibian : Absolument, Dieu propose une démocratie qui passe par le don de soi et par l'amour. Il y a une dimension de 1'honnne qui est au delà de 1'homme, et c'est ça que nous appelons Dieu
Je participe à la Ligue des Droits de l'Homme, je me sens tout à fait à l'aise avec les athées à condition qu'ils soient militants. Vous voyez, c'est mon combat et toute ma vie et celle des gens avec lesquels je partage, et ce ne sont pas tous des croyants - j'aimerais bien que vous acceptiez quand même de mettre les pendules à l'heure : il y a le catholicisme et le protestantisme mais il y a aussi à l'intérieur de chaque religion des types de croyants. Vous avez des croyants protestants qui en effet sont braqués sur le ciel, font leur salut individuel, s'imaginent que Dieu les attend là haut avec une place bien chaude parce qu'ils auront payé leur cotisation à l'Église, qu'ils auront récité leurs prière, etc... Excusez-moi, mais pour moi, ce n'est pas du tout ça la foi !
La foi pour moi est un engagement au service de l'homme et par conséquent avec des frères catholiques, avec des frères incroyants et des frères protestants. Mais lorsque je parle de ce combat pour l'homme, qui est la seule chose intéressante dans la vie, vous êtes bien d'accord avec moi, la seule chose intéressante dans la vie, c'est 1'homme
E.C. : Je suis bien d'accord avec vous mais pour cela il n'y a pas besoin de religion.
Jean Hoibian : Être croyant, c'est croire avant tout en l'homme. Vous êtes incroyant mais vous êtes comme moi un homme qui combattez pour l'homme et pour la liberté et pour la démocratie. Et moi, en tant que croyant, à cause de ma foi, je me sens obligé d'aborder ce problème avec une lumière qui est celle de la vie et de l’œuvre de Jésus-Christ. Ma foi est un plus dont j'ai absolument besoin pour être toujours davantage disponible et ouvert aux combats de l'homme, pour la justice, pour la vérité, pour la démocratie.
S'il y a quelqu'un qui a contesté l'ordre établi, s'il y a quelqu'un qui a contesté le racisme, le mépris de la femme, le mépris de l'enfant, s'il y a quelqu'un qui au nom de l'amour a voulu renverser les barrières dans lesquelles nous sommes tous enfermés, classes sociales, notions d'argent, etc... c'est Jésus dans son dépouillement absolu, dans le don qu'il a fait pour ces idées là, du don de sa vie
E.C. : Il y a une récupération de Jésus sur tous les plans, c'est certain. Jésus est aussi le premier communiste...
Jean Hoibian : Pourquoi pas, cela dépend...
E.C. : Ce qui prouve qu'on peut dire ce qu'on veut.
Jean Hoibian : Cela dépend. Si vous me disiez par exemple que Jésus est le premier émule de M. Le Pen, je me marrerais doucement. Vous voyez bien qu'il y a quand même une différence.
[...]
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